Hier soir, elle était là. Dans ma petite chambre d’enfant, elle est venue passer quelques instants. Une soirée pour rattraper quelques miettes de temps volé, après 24 heures de vol pour elle, un trajet en bus pour moi. Un décalage horaire, un décalage de vie, d’expériences, de nouveaux souvenirs crées loin l’une de l’autre mais une complicité inchangée. Cette complicité qu’il est possible de ne nouer qu’exilé. Qu’expatrié.
Sa venue m’a inspiré un sujet que je n’ai jamais abordé avec vous : les amitiés.
Les amitiés du voyage. Ces amitiés qui n’auraient jamais vu le jour en restant dans notre zone de confort. Nos destins que l’on change volontairement en partant, ces filles et garçons que l’on rencontre sur un bateau, dans la rue, dans un café. Ces amitiés et ces amours nés de la différence. Ne dit-on pas que l’amitié suppose qu’on s’aime pour ce qu’on a de différent et non pour ce qu’on a de commun ? Cette différence, on la touchait tout le temps.
Elle, comme tous les autres, je les ai rencontrés loin de tout, et peu à peu ils sont devenus ma famille. Fêtes, travail, exaltation, joie, bonheur, tristesse, peur, angoisse, nuits déchirées d’éclats. Telle était notre vie. Se nouer les uns aux autres, se rencontrer le matin, se revoir le soir-même, devenir inséparable trois jours après. Avoir le temps pour la vie, tout donner et ne rien reprendre, s’attacher, se nourrir de l’autre pleinement, aller au delà d’un physique, d’un âge, d’une religion, d’un courant de pensée. N’être là que pour aller plus haut ensemble, aller plus loin.
Elle est devenue ma soeur et ma mère, mon enfant aussi parfois. On s’aimait parce que l’on se soulageait mutuellement du manque. De la famille et de la France. On se donnait à manger quand ça n’allait pas, on testait toutes les cantines chinoises quand ça allait bien, on se donnait à boire, à fumer, à dormir, à penser, à croire, à aimer, à détester. Elle a pénétré tout mon être, tout mon corps, mon âme surtout. On se déchargeait mutuellement de nous-même, de nos insuffisances, de nos doutes. On était ensemble contre tout. La colocation de l’amour. Ce que l’on a vécu ensemble, je l’ai vécu 1000 fois avec d’autres et tous les expatriés du monde le vivent tous les jours. Je crois que c’est pour cela que j’aime tant l’exil, pour vivre pleinement, à 1000% avec des êtres qui ont le temps.
Aujourd’hui, elle est quelque part entre le Canada et Hong Kong. Et elle, en plein Mexique. Vous ai-je parlé de celle en Thaïlande ? Tiens, lui il est au Cambodge aussi. Nous sommes tous éparpillés et nous maintenons notre aventure en vie à coup de skype et messages en pleine nuit. En remerciant le ciel que nos amitiés subsistent. Ce qui n’est pas toujours le cas. Oui parfois, la vie biaise nos rapports aux autres.
Parce que même si il permet des amitiés durables, le voyage est aussi propice aux coups de foudre, basés sur des illusions. Aux amitiés qui naissent sans se connaître véritablement, aux coups de cœur pour partager le meilleur, dans un unique contexte. Aux confidences que l’on ne ferait pas forcément, aux secrets que l’on se confie après quelques heures seulement. Ces amitiés qui finissent par disparaître… mais qui restent comme une lumière qui tient chaud l’hiver.
Salut,
C’est un bel article. C’est vrai que, lors de mes différents voyages, je me suis fait pas mal d’amis aussi. Malheureusement, je n’ai pas pu garder contact avec tout le monde. 🙂