Hong Kong – L’envers du décor

Crédit: Mr Cheung, sur ses 30 ans. Vit seul dans un box de 3m². SoCO, Benny Lam

Le décor, c’est les belles surfaces et le confort, c’est les colocataires heureux, c’est l’amoureux et la meilleure copine, c’est les apéros tous les soirs et les instants de partage inoubliables, c’est les grandes journées de travail et le bonheur de se retrouver seule, à écrire, composer, rêver, chez soi. Le décor, c’est pouvoir skyper les siens à l’autre bout de la terre dans un endroit calme et confortable, c’est pouvoir recevoir les amis en visite depuis la France et les accueillir avec un bon dîner concocté par vos soins dans une large cuisine avec du matériel adéquat… Le décor, c’est ça, et il est même plutôt normal je pense pour la majorité d’entre vous qui me lisez. Pourtant, il n’a pas toujours été le mien et pour être honnête avec vous, il en a déjà été loin, très loin… C’est de ça dont j’ai envie de vous parler aujourd’hui : de mon envers secret à moi. De cet envers qui m’a fait mal, que j’ai rejeté et dont j’ai eu honte, un jour, à Hong Kong.

Mais sans ce terrible envers, je vous l’avoue, je n’aurais pas peut-être pas autant apprécié le confort dans lequel je vis actuellement. Je n’aurais sans doute pas autant apprécié de voir chaque jour le visage des êtres aimés lorsque je me lève le matin, je n’aurais sans doute pas apprécié autant de pouvoir dormir sans bruit, de prendre ma douche à l’eau chaude systématiquement, de ne plus avoir peur d’être inefficace ou trop fatiguée pour travailler le lendemain. Et je ne parle pas des soucis de santé, de la perte de cheveux, des soucis de peau due à la pollution et à la saleté… Ce terrible envers, je mets enfin des mots dessus et honnêtement, son souvenir n’est pas facile. Mais puisque je suis déjà engagée, allons-y.

Lorsque je suis partie à Hong Kong, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre mais j’avais mis toutes les chances de mon côté pour trouver une habitation confortable. Dès la connaissance de ma date de départ, sur le groupe Facebook CLUB VI & YP HONG KONG, j’avais trouvé un appartement très beau et très propre dans lequel j’ai habité durant mes premiers mois avec Tim, coloc en or devenu petit frère de coeur. Au bout de 6 mois, la petite start-up dans laquelle je travaillais a fait faillite… Je me suis vu dans l’obligation de lâcher cet appartement que j’aimais tellement, celui dans lequel j’aimais fumer ma clope en admirant la baie scintillante, et celui dans lequel je vivrai mes plus jolis mois dans mon Hong Kong devenu maison. Encore aujourd’hui, je garde un souvenir excitant, et impérissable de la découverte fabuleuse de tous les aspects de Hong Kong, cette découverte qui fait réaliser que la destination importe moins que l’abandon : l’abandon de soi-même dans un univers inconnu est, par définition, inoubliable.

Me retrouvant donc au chômage après 6 mois de social media dans la start-up qui m’avait embauché avant mon arrivée, je me suis retrouvée presque à la rue, avec de très maigres économies. C’est ainsi que nous avons vécu ensemble avec le Lui de l’époque. Au départ, nous dormions dans un appartement dans l’un des quartiers les plus bondés de Hong Kong avant d’emménager dans un sublime 3 pièces. Au programme de ces presque 3 mois pour moi ? Une recherche d’emploi, une vue magnifique sur le tout Hong Kong depuis le canapé, beaucoup de calme donc une qualité de sommeil parfaite, une salle de bain très propre, de la place pour disposer mes affaires… Une vie normale pour vous, une vie normale pour moi aussi à l’époque parce que c’était avant. C’était avant le nouvel emménagement.

À un moment donné, il a fallu que je parte. C’est ce que j’ai fait le 31 mars 2014, à l’aube d’un nouveau travail et d’un passé qui ressemblerait exactement au futur, car mon cœur lui n’avait pas changé, et avait refusé de passer outre. Aujourd’hui, avec le recul de presque une année, je peux dire que je connais la solitude, la peur chaque nuit et l’insalubrité. Le 31 mars 2014, je suis donc arrivée, le cœur brisé, dans un nouvel appartement, même si je doute que nous pouvions le nommer de la sorte. Peut-on appeler salon une mini pièce habitée par une hongkongaise méchante et terrifiante car malade mentale ? Peut-on appeler cuisine une salle de 5m2 habitée toujours par cette même hongkongaise terrifiante, cuisinant nuit et jour des plats sautés embaumant le reste de l’appartement ? Peut-on appeler salle de bain une douche dans laquelle ne sort que très peu d’eau, pas toujours chaude ? Une salle de bain moisie dans laquelle même se laver les mains devient un parcours du combattant ? Peut-on appeler chambre une petite pièce dans laquelle nous avons peur la nuit, dans laquelle nous devons subir les sauts d’humeur de la colocataire malade mentale et terrifiante qui tombe par terre, frappe à notre porte et hurle sans raison ? Je ne suis pas sûre, et pourtant c’était bien ma seule maison, notre seule maison avec cette amie venue me rejoindre de France. C’est à ce moment là aussi que j’ai compris ce qu’était partir. Partir, ce n’est pas chercher, c’est tout quitter, proches, voisins, habitudes, désirs, opinions, soi-même. Dans cet appartement, je me livrais à l’inconnu malsain que je ne pensais jamais connaître, je me livrais à la difficulté, voire même à l’impossible. Je creusais en moi une disposition hospitalière pour garder la tête hors de l’eau et… survivre. Je fus peut-être à ce moment là, et pour la première fois de ma vie, une véritable voyageuse, sans repère, sans bagage, sans but. Peut-être que ce blog m’aurait aidé à l’époque, j’avais envie d’écrire évidemment, mais mes textes auraient été impossibles à retranscrire tant ils étaient négatifs…

Pourquoi je vous raconte tout ça en fait aujourd’hui ? (Enfin, à l’heure ou vous lirez cet article, il aura sommeillé dans mes brouillons depuis quelques jours, voire semaines déjà.) Je vous raconte tout ça déjà parce que peut-être j’en ai besoin et pour vous faire rendre compte de votre chance aujourd’hui… C’est peut-être bête me direz-vous mais c’est la vérité. Je trouve intéressant de prendre conscience à tel point nous évoluons à travers nos expériences. À 20 ans, je n’avais aucun intérêt pour les choses simples, j’étais incapable d’apprécier le confort puisque je l’avais toujours connu, et je regardais constamment si l’herbe était plus verte ailleurs. À 20 ans, j’étais incapable d’être heureuse et je partais de loin, très loin… C’est un petit miracle de pouvoir rencontrer « à nouveau » quelqu’un lorsqu’il était autre, c’est un joli miracle de pouvoir constater ma petite évolution sur ce point… un joli miracle d’avoir la capacité d’être émerveillée par des choses simples et ne plus vouloir en permanence être ailleurs… Si je pars demain, si je suis amenée à repartir pour une raison x ou y, je sais aujourd’hui ce que je quitte. Je les quitte eux, mes amis, mes amours, ma France, mon Paris que j’ai réappris à aimer lorsque j’en fus séparée.

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