Photo Credit : Martin Fraudeau
« Laura : Pour commencer, parlons de votre première tournée en Chine en 2010. Quel souvenir en gardez-vous ?
M : Ma première tournée asiatique a été lumineuse, j’étais en phase avec mon public. C’est une de mes plus belles expériences en tant qu’artiste. Rien que le fait d’en reparler me donne des frissons… J’ai chanté à Beijing mais mon souvenir le plus mémorable reste le jour de la tête de la musique, le 21 juin, à Shanghai. Le public était composé de beaucoup d’expatriés bien-sûr, à 70% je dirais… -M- n’est pas connu en Chine mais le public étranger à bien réagi à ma musique et j’ai reçu ce jour là un merveilleux témoignage d’amour. J’ai cependant été frustré par le manque de temps pour rencontrer et collaborer avec des locaux… Mon plus grand objectif cette fois-ci est de m’enrichir des artistes asiatiques, de pouvoir leur parler de tous les instruments typiques que j’avais découvert en 2010 et que je continue de jouer aujourd’hui. La Chine est devenue comme plus « réelle » pour moi, moins inaccessible et impénétrable.
Laura : Pensiez–vous travailler avec des artistes chinois lorsque vous avez planifié cette tournée ?
M : Pierre A, mon ami et mentor durant cette tournée asiatique 2014 m’a envoyé il y a quelques temps des morceaux de musique d’artistes locaux. J’ai immédiatement flashé sur la voix particulière de ChaCha. J’ai découvert elle une Björk venue d’Orient… Il était donc essentiel pour moi de travailler avec elle. Je me suis imprégné de son univers et de celui de son groupe AM444 pour composer et la compléter sur un titre intitulé « Détache toi/Shen Jing Mo Shao. » Je ne suis pas déçu, elle est extraordinaire, pas du tout « mainstream. », juste authentique. Les collaborations franco-chinoises se font rares, je suis fier de notre travail. Quand au dessinateur qui a conçu la pochette de notre single, Leilei, il est merveilleux. J’ai eu beaucoup de chance. Leilei est très connu en Chine et cette pochette est une oeuvre d’art.
Laura : Suite à cette collaboration, avez-vous une nouvelle vision de la scène musicale chinoise ?
M : Il est certain que, grâce à ChaCha, la langue chinoise m’est plus familière. Je suis très agréablement surpris par le mariage de nos deux voix … J’y trouve des similitudes à l’écoute, presque comme si il s’agissait de la même langue. Cette collaboration avec ChaCha m’a profondément donné envie de réitérer l’expérience.
Laura : Aujourd’hui, on vous désigne souvent par votre vrai nom Matthieu Chedid mais à vos débuts vous avez choisi le pseudonyme de M. Etait-ce pour éviter que l’on vous assimile à votre père, Louis Chedid ?
M : -M- a 17 ans cette année, je suis très fier de lui … Je souhaitais avec ce personnage attirer le public dans mon monde, je ne voulais pas que les gens aiment « le petit fils d’Andrée Chedid » ou « le fils de Louis Chedid. »
Laura : A seulement 6 ans, vous chantiez sur le single de votre père intitulé « T’as beau pas être beau », être chanteur, c’était une destinée ?
M : Lorsque l’on nait dans une famille d’artistes, la logique est devenir artiste soi-même … Les choses se sont donc faites très naturellement … Je n’ai pas eu d’effort à faire pour devenir ce que je suis aujourd’hui, j’ai grandi dans un milieu où la musique était à l’honneur et j’ai eu la chance d’hériter du talent de poète de ma grand-mère. Lorsque j’étais enfant, Papa recevait Alain Souchon, Jacques Dutronc à la maison et nous chantions… Un peu plus tard, je suis devenu fan de Jimi Hendrix, j’ai appris la guitare avec une bande de pots dans un groupe que l’on a appelé « les bébés fou ». J’ai compris à ce moment là que ma vie était sur scène. Pour notre premier concert, notre seul public était nos parents… J’ai acquis de l’expérience grâce aux conseils de mon père. J’ai également fait partie d’un autre groupe de musique avec mon ami Jérôme Goldet. Chaque expérience, chaque collaboration, chaque rencontre ont été pour moi l’occasion de me perfectionner, de créer, de devenir meilleur. Je n’ai jamais fait d’école de musique, j’ai tout appris sur scène.
Laura : On compare parfois vos performances scéniques à du cirque. Que pensez-vous de cette idée ?
M : J’essaye toujours d’offrir plus qu’un simple concert à mes fans. Je pense que le terme « cirque » fait référence à la variété des émotions qui se passent sur scène lors de mes concerts … Je veux faire rêver les gens.
Laura : Etre sur scène est donc pour vous beaucoup plus intense que les enregistrements en studio ?
M : Ce sont deux choses complètement différentes … Etre en studio, c’est quelque chose de fort mentalement, tu dois retranscrire tout un univers dans chaque chanson, alors qu’être sur scène, c’est être dans la célébration de l’instant et se laisser aller… Et je pense que les meilleures choses se passent lorsque l’on cesse de penser… C’est impossible à comparer.
Laura : Votre personnage public est-il différent de celui que vous êtes dans la vie ?
M : Tu vois le Yin et le Yang ? C’est moi … Dans ma vie privée, je suis timide et réservé alors que sur scène, je suis plus du genre explosif. J’ai besoin d’être les deux, clinquant et calme. C’est pourquoi je crois que je me sens si proche du taoïsme … J’aime la dualité dans chaque chose. Je tiens ce trait de ma grand-mère … Cela m’inspire.
Laura : La paternité vous a-t’elle beaucoup changé ?
M : La paternité te fait basculer de l’enfance à l’adulte, te donne des responsabilités. La paternité a renforcé la part masculine qui était peu présente jusqu’alors. Elle a aussi rendu ma vie plus structurée.
Laura : Ces derniers temps, vous avez composé plusieurs musiques de films… Est-ce un travail de composition très différent de celui d’un album ?
M : Une musique de film est comme un nouveau monde et composer une musique de film est comme un nouveau job. La musique doit servir l’image, tu dois vraiment être subtil pour avoir le pouvoir d’influencer l’image. Ce qui est fascinant dans le fait de composer une musique de film, c’est qu’il y un vrai travail émotionnel. La musique a le pouvoir de révéler des sentiments, des émotions, de porter le film même. Hier, je travaillais sur une musique d’un film belge « Bouboule », et une fois encore, j’ai compris le pouvoir de la musique sur les images.
Laura : Avez-vous des habitudes, des rituels lorsque vous écrivez vos chansons ?
M : Ma seule habitude est de ne pas en avoir. Je me fie à mon intuition du moment … Je tente d’absorber toutes les énergies qui se trouvent autour de moi au moment de l’écriture et ce n’est qu’après que je mets les formes.
Laura : Quel est pour vous l’objectif ultime à atteindre en tant que musicien ?
M : Je pense que je reste simple et c’est cela mon ultime but.
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Le jeune artiste LEILEI a été choisi pour concevoir la pochette de cette nouvelle version de Shenjing MoShao, dans les bacs asiatiques depuis le 6 janvier 2014. Inspiré par les graphismes géométriques de Mister Mystère et par les montages colorés disséminés dans le livret de îl, il rend dans cette création un hommage à l’univers de Matthieu Chedid par un collage lunaire et chatoyant.
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